J’ai assisté à beaucoup de café littéraire pendant mon séjour aux Imaginales. Quelques uns m’ont marqués. Le dialogue entre Sean Russell et Tad Williams sur le thème “écrire de la fantasy aujourd’hui” est l’un de ceux qui m’ont procuré le plus d’émotions. J’ai beaucoup ri à l’écoute de leurs anecdotes. Eux aussi d’ailleurs. Enfin surtout Sean Russell et Lionel Davoust qui joue encore une fois le rôle de traducteur. Cliquez sur les photos pour les agrandir.
Sean Russell peut aussi être sérieux (surtout quand Stéphane Manfredo pose the question) en face d’un Tad Williams plus réfléchi (ce n’est pas vrai mais je n’ai pas de photo de Tad Williams pleurant de rire comme il l’a fait). Je ne connais pas le nom de la demoiselle qui a fait office de traductrice – désolé messieurs…
Qu’est-ce qui a bien pu provoquer des fous rire en chaîne me demanderez-vous ? Non ? Bah tant pis je vous le raconterai quand même… C’est simple. Les deux écrivains ont raconté leur première publication. Il faut savoir que même si Sean Russell est canadien il a la même maison d’édition américaine (DAW une filiale du groupe Penguin Group) que le californien Tad Williams. Apparemment, les maisons d’édition canadiennes préfèrent publier de la littérature générale. La fantasy ? Très peu pour elles. Sean Russell a donc publié son premier roman Le Frère initié, Prix Imaginales 2005, aux USA.
Tad Williams nous a régalé d’une anecdote croustillante sur sa première publication. Lorsqu’il a envoyé son premier roman aux maisons d’éditions il était très impatient de se voir publié. Un mois, deux mois passent et il n’a aucune nouvelle de son manuscrit. Il écrit donc une lettre aux éditeurs dans laquelle il expliquait ceci : “je suis vraiment désolé de vous embêter mais ici en Californie (les maisons d’éditions se trouvaient à New York) nous avons eu de terribles inondations. Mon manuscrit a été détruit quand l’eau a envahi ma cave. Pouvez-vous me renvoyer mon manuscrit ou une copie ?”. Il n’y a ni inondations, ni cave en Californie mais Tad Williams espérait que les New-yorkais l’ignoraient… Un mois plus tard DAW lui renvoyait une copie de son manuscrit avec une lettre d’acceptation. Le mari de l’éditrice qui était le 1er lecteur avait lu le livre une fois la lettre reçue. Devenu un ami de Tad Williams ils ont évoqués une fois le sujet de ce premier manuscrit. L’éditeur lui a dit “Tu sais quand j’ai lu ta lettre j’étais tellement désolé pour toi que j’ai immédiatement photocopié le manuscrit. Nous n’avions pas de photocopieuse automatique à l’époque et j’ai photocopié chacun des 500 feuillets à la main. ça m’a pris deux jours mais j’étais tellement désolé de ce qui t’arrivait. Perdre ton manuscrit, cela a du être terrible pour toi…” Ne sachant plus où se mettre pour ce gros mensonge Tad Williams n’a pas eu d’autre choix que de lui répondre en le regardant droit dans les yeux : “Oh oui cela a vraiment été terrible !”. Moralité : il faut parfois être astucieux pour éviter que son manuscrit n’aille prendre la poussière dans une pile.
Tad Williams et Sean Russell ont conscience d’avoir été publié à la “belle époque”. Depuis la fin des années 90 les petites maisons d’édition artisanales se sont faites racheter par des grands groupes qui conçoivent le livre comme un produit de consommation plus que comme un objet d’art. Toutes les maisons d’éditions veulent ou un Stephen King ou un Tolkien ou un J K Rowling pour gagner de l’argent. Plus aucun éditeur ne prend de risque. Les premiers romans sont peu publiés et surtout le circuit du manuscrit a changé. Maintenant, outre-atlantique, si vous envoyez un manuscrit à une maison d’édition il n’est même plus lu. Les manuscrits publiés ont soit été recommandés par un auteur déjà reconnu soit placé par un agent reconnu (agent qui ne va certainement pas mouiller sa chemise pour un auteur totalement inconnu ou dont le roman a peu de chance de devenir un best-seller). Ce qui explique en partie que la plupart des romans de fantasy publiés aujourd’hui soit calibré de la même façon.
Quoi! Les maisons d’édition ne lisent plus les manuscrits?
Mais c’est honteux, ça!
Tiens, moi, comme mesure de rétorsion, je propose de ne plus lire les bouquins qu’elles publient.
Génial café littéraire, avec deux auteurs absolument adorables et aussi doués l’un que l’autre…
La traductrice c’était moi [:s] j’espère avoir fait bonne figure. Enfin, avec Tad ce n’était même pas la peine de traduire, il était tellement expressif que toute la salle riait déjà avant que j’aie dit un mot!
La prochaine édition risque d’être très chouette aussi []
Annaïg Houesnard (le nom de la demoiselle)
Merci d’être passée charmante Annaïg Vous avez été parfaite et ce n’était pas facile entre 2 auteurs aussi charismatiques et expressifs (comment avez vous réussi à rester concentrée sur la traduction à côté d’un Tad Williams joyeusement déchaîné ? Respect !)