La Vénus anatomique – Xavier Mauméjean

La Vénus anatomique

de Xavier Mauméjean

Mnémos – 248 pages

1752. Julien Offroy de la Mettrie, médecin chirurgien et philosophe vit paisiblement à Saint-Malo lorsqu’il se fait enrôler par le Secret du Roi, la police secrète de Louis XV. Il n’a pas d’autre choix que de faire équipe avec le biomécanicien Jacques Vaucanson et l’anatomiste Honoré Fragonard (cousin du célèbre peintre) pour créer le nouvel Adam à Berlin dans le cadre d’un concours européen. La Chambre ardente, tribunal d’inquisition farouchement opposé à la science des Lumières, ne l’entend pas de cette oreille et dépêche ses mousquetaires noirs pour empêcher le projet. Voila Julien de la Mettrie embarqué dans des intrigues politiques avec pour défi de construire un automate de chair…

Dans une langue qui rappelle celle du 18eme siècle (allégée des lourdeurs soporifiques propres à ce style), Xavier Mauméjean nous offre un roman aux multiples facettes : roman d’automate où le cousinage avec Frankenstein assumé de bout en bout (l’addendum vous livrera l’une des clés), uchronie non victorienne, roman de cape et d’épée où s’affrontent des mousquetaires noirs et gris mais aussi roman politique déguisé en divertissement (le Berlin des Lumières nous rappelle bien des heures sombres) et philosophique (où l’éthique tient une grande place). Pour ce qui est de la philosophie précisons d’emblée que c’est une philo vivante qui est proposée ici : les personnages s’interrogent le plus souvent sous forme de dialogue et partagent avec nous le fruit de leurs réflexions (dans la grande tradition des philosophes de l’antiquité). De même les querelles de philosophes (les piques volent contre Voltaire) leur donne une dimension tout à fait humaine. La Mettrie croise le « beau monde » de l’époque : Casanova, Diderot, le Chevalier d’Eon, Jean Sébastien Bach… Clin d’œil et références multiples à l’Histoire, la philosophie, les arts, et la littérature – le roman de Renard donne lieu à une interprétation vertigineuse – parsèment le récit pour le plus grand plaisir du lecteur. Xavier Mauméjean décrit de nombreuses inventions « avant l’heure » jusque dans les moindres détails (des vêtements de travail, qui vont des pieds au cou, en toile bleue de Nîmes ou l’utilisation du caoutchouc en guise de gaine isolante). La documentation, que l’on devine abondante, est utilisée intelligemment. L’érudition de l’auteur ne prend jamais le pas sur les nécessités du récit. Les longs passages descriptifs savants, mais ennuyeux car inutiles et déconnectés de l’histoire, nous sont épargnés. Le seul point noir de La Vénus anatomique réside dans sa fin, un peu trop vite expédiée à mon goût.

En somme voici un roman fin dans le trait et dans la plume mais dont la fin laisse le lecteur un tantinet sur sa faim.

Un extrait :
Six.
Six agents du Secret, un pour chaque jour de la semaine, assurant la genèse du pouvoir. Le premier sépare la lumière des ténèbres et demeure dans l’ombre, tandis que le roi irradie ses rayons. Le deuxième, serviteur d’une monarchie divine, reste à l’écoute du ciel et gouverne les océans. Agissant sur terre, le troisième prend en charge les affaires du royaume. Le quatrième surveille les grands qui, à la façon des astres, cherchent continuellement à éblouir. Bétails, cheptels, viviers dépendent du cinquième dont le souci est de maintenir la fortune de la maison royale. Le dernier fait grand cas des hommes, puisque le souverain est père de ses sujets.
Ainsi le septième jour est-il réservé au repos du seigneur.

La Vénus anatomique à reçu le Prix Rosny aîné en 2005.

Cet article a 3 commentaires

  1. Efelle

    Ca reste quand même, pour moi, le roman le moins accessible de Xavier Mauméjean. Je lui préfère Ganesha et Liliputia.

  2. Lhisbei

    @ Efelle : pour moi c’est exactement le contraire. J’ai trouvé “La Vénus anatomique” plus accessible que “Lilliputia”. Le point de vue ne varie pas et le récit est plus linéaire. Dans “Lilliputia” le narrateur est à la fois extérieur à Elcana et en même temps “dans sa tête” pour ce qui est de la perception de la réalité. quand Elcana sniffe de la “poudre blanche” ses perceptions sont altérées et la réalité se tord (les Lunars deviennent de vrais Sélènes… Le vaisseau décolle vraiment… ou du moins Elcana le vit de cette façon). La fin “mythologique” est difficilement envisageable d’un point de vue réaliste. Ce qui rend “Lilliputia” encore plus référentiel et moins accessible pour moi. Alors que j’ai failli me perdre en route avec “Lilliputia” j’ai lu “La Venus anatomique” d’une traite.
    je n’ai pas lu “Ganesha” mais je crois que je vais l’inscrire sur ma liste d’incontournables[] Et je vais de ce pas ajouter ton avis à la liste des avis à lire[]

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