Spectres et autres noirceurs – Gilles Bizien

Spectres et autres noirceurs

De Gilles Bizien

Éditions Pop Fiction – 96 pages

Après avoir lu Enfants pour l’enfer je n’étais pas très pressée de renouer avec la plume de Gilles Bizien. Son univers et son écriture ne m’avaient pas particulièrement accrochée. Ce qui explique de Spectres et autres noirceurs ait végété dans ma PAL depuis le mois de mai. Il faut dire aussi que la couverture, qui annonce bien la couleur, ne me mettait pas à très l’aise… (signe qu’elle est réussie).

Spectres et autres noirceurs est un recueil de cinq nouvelles de fantastique. La première raconte l’histoire de Benjamin Crodje qui se prend pour Dieu et tente de mettre le feu à une église, un peu avant le Grand Incendie de Londres de 1666. Le Diable ne lui en laissera pas l’occasion. J’ai trouvé que certains dialogues étaient un peu surchargés et emphatiques parfois. Mais qui sait comment le Diable s’exprime ?
Le Nihon-zaru est une histoire de vampire, originale et non dénuée d’une certaine forme d’ironie, où l’une de ces créatures convoite une poupée d’or. La convoitise est un vilain défaut. Le caractère trouble et maléfique de la poupée est particulièrement bien rendu.
Les deux nouvelles qui suivent, L’Ile Rouge et Kajutaijuq, sont un peu plus longues que les deux premières et évoques des légendes qui – je suppose mais je n’ai pas les moyens de vérifier – font partie du folklore. Elles sont bien choisies car étranges et exotiques (même si celle qui se passe en Bretagne). Si elles sont des créations de Gilles Bizien il faut reconnaître une belle imagination à l’auteur. Dans L’Ile Rouge le héros, un écrivain mélancolique, et son ami partent à la découverte d’une île mystérieuse où une sorcière invoque des sunerien wad, des enfants vampires qui déciment les marins (l’expression est bretonne).  Kajutaijuq nous emmène chez les Inuits sur les traces de l’esprit Kajutaijuq, un esprit qu’il ne vaut mieux pas croiser. Si dans L’Ile Rouge le protagoniste principal s’en sort un peu trop facilement,  Kajutaijuq est sans pitié pour ses « héros ».
Takako, la nouvelle qui clôt le recueil revient à une thématique plus classique (un voleur d’âme) dans un contexte dépaysant (le Japon moderne).

Il me semble que l’auteur est plus à l’aise avec la forme courte. Le style est moins chargé, plus sobre, rendant les nouvelles plus percutantes. Lorsqu’il se laisse aller à un registre un peu plus personnel (et mélancolique) Gilles Bizien offre de très jolis passages comme celui-ci (dans L’île Rouge) :
Il m’apparaissait que le soir n’était rien d’autre que les larmes du cosmos, visibles nous une forme aérienne, une mélancolie pure, la même qui serpentait sous ma peau, dans mon corps tendu. Pourtant, je savais que cette idée ultraromantique n’était rien d’autre qu’un fatras d’inepties, d’angoisses et de mensonges, résidus de lectures de jeunesse et de frustrations. Je m’y abandonnais cependant sans sourciller. Comme une révélation mystique, il m’apparaissait si manifestement que l’homme, à sa façon, était une équation composée de dilutions, de chairs et de larmes, au même titre que la neige ou les nuages, que le romantisme malsain de cette pensée me parut bientôt tout à fait défendable. «  Nous sommes de fragments de vide », pensais-je, « nous nous comblons maladroitement par le rêve ».

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