De Lucius Shepard
J’ai Lu – 192 pages
Louisiana breakdown est un court roman à l’ambiance particulière. L’histoire tient sur quelques jours, le temps pour Jack de faire réparer sa voiture. Mais ces quelques jours sont bien suffisant pour qu’il tombe amoureux de Vida. Vida, fantasque, Reine du Solstice qui va bientôt rendre sa couronne, est persuadée que Jack peut la sauver de l’envoutement qu’elle subit de la part d’un ex petit-ami. Dès le premier chapitre, le ton est donné pour décrire l’ambiance de cette petite ville paumée et hors du temps. Très descriptif, il permet de brosser le portrait de Graal, entre marais et autoroute, par petites touches impressionnistes qui restituent l’indolence de la vie à Graal. Les phrases dans verbes sont autant d’instantanés, des photos prises sur le vif qui capturent des moments de vie, pas très gaie d’ailleurs. Une mosqaïque d’impressions qui transcrit l’indolence des habitants. Il y a deux façons de percevoir Graal. Celle de Jack, rationnelle pour lequel la ville est un trou à rats, une bourgade qui périclite aux habitants à la mystique bizarre. Celle des habitants, empreinte d’une magie séculaire typique de La Louisiane, sous-tendue par des puissances avec lesquelles pactiser reste dangereux. Les chapitres se focalisent tantôt sur Jack, tantôt sur Vida, alternant les deux points de vue. Jusqu’à la fin les deux visions peuvent cohabiter dans l’esprit du lecteur sans que l’une prenne le pas sur l’autre : la magie est-elle réelle ou le fruit d’une hallucination collective ?
Jack se laisse porter par les évènements : il est coincée quelques jours à Graal et n’a pas d’autre choix que de se laisser vivre. Il s’en sort pas plus mal comme ça d’ailleurs. D’habitude les personnages passifs m’agacent mais Jack échappe à ce phénomène. C’est probablement dû au fait qu’il accepte les gens tels qu’ils sont, qu’il ne rejette pas la bizarrerie. Il ne juge pas ce qu’il ne comprend pas. Il ne croit pas à la magie, au surnaturel mais pour autant il ne méprise pas ceux qui y croient, ne leur appose pas une étiquette de dingues même s’ils sont parfois effrayants.
Louisiana breakdown est aussi un court roman d’amour. Une histoire d’amour qui se fonde sur un malentendu chacun attendant quelque chose de l’autre, quelque chose dont il n’a bien évidemment pas conscience (mais c’est le propre d’une histoire d’amour non ?). Jack sent confusément qu’il a une mission et que toute la ville a le regard braqué sur lui, mais il peine à comprendre ce qui le rend touchant de maladresse. La fin reste un peu trop évasive et a généré une petite dose de frustration. Sans cela j’aurais été envoûtée pour de bon.
Un extrait représentatif de la ville de Graal et du roman :
« Occupant la moitié d’une façade vitrée sur East Monroe, une boutique affichait en devanture Les Remèdes en lettres dorées, au centre d’un ovale transparent ; le reste de la vitrine, bombé à la peinture noire, était décoré de croix ansées en argent, d’étoiles, des croissants d’or et d’autres symboles ésotériques que Mustaine ne parvenait pas à identifier. Sur la porte, en lettres plus petites, se trouvait l’inscription :
Nedra Hawes
Oracles et divination médiumnique
L’autre moitié du bâtiment était occupée par une boutique nommée Les Deux Oreilles. Le store étant baissé, Mustaine ne réussit pas à décider s’il s’agissait d’un magasin de literie ou d’un disquaire. Quoi qu’il en soit, il se dit que cette promiscuité entre le mystique et le banal confirmait son idée : à Graal, ces deux systèmes apparemment antagonistes se trouvaient à la fois associés et nettement distincts, comme les pièces d’un puzzle qui s’emboitent tout en représentant des éléments séparés d’un même ensemble. »
- Lire les avis de Cafard Cosmique, Efelle, Vert, Spocky, Elysio, Roz, Les vagabonds du Rêve, Fluctuat.net,
Et terminons avec cette version blues de « Louisiana Breakdown »
Une bonne critique.
Pour ma part, j’ai adoré même si j’aurai préféré une autre fin.
Je n’ai pas lu ce livre, mais je retrouve l’aspect descriptif que tu indiques dans le Dragon Griaule (en tout cas, dans certaines nouvelles du recueil).
Il a du talent ce monsieur !
Et donc tu as aimé, adoré , détesté ? Car là je ne vois pas trop si tu as apprécié. NicK.
@ Thom : au départ c’est ce que je me disais : une autre fin mais quand on y réfléchit bien la fin est telle qu’elle doit être (sinon on est plus dans l’esprit blues)
@ Lorhkan : oui encore que je trouve qu’il est encore plus descriptif dans Griaule que dans celui-ci. en toute cas il a bien rendu l’ambiance particulière de La Louisiane.[]
@ Nick : « Sans cela j’aurais été envoûtée pour de bon. » ça évoque quoi pour toi ? moi je traduis ça par « nous sommes passés à deux doigts du coup de coeur ». Mais je ne vais ps faire ma groupie de Shepard à chaque fois…[mdr]
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