De Peter Heller
Actes Sud – 304 pages
Le roman de Peter Heller c’est du Jim Harrison mais après une série de catastrophes : réchauffement climatique modifiant les écosystèmes et les conditions de vie des américains suivi d’un virus de la grippe à haute mortalité et, comme si tout cela ne suffisait pas, une maladie du sang qui ronge à petit feu les quelques survivants. Nous sommes neuf ans après la Fin de Toute Chose. Survivants au milieu de paysages grandioses du Colorado (les grands espaces américains) plus ou moins abîmés (fôrets mortes) ou en cours de renaissance (la nature reprend ses droits, la vie trouve toujours un moyen de survivre). Au centre de notre histoiren Big Hig, géant amoureux de la nature, rêveur et introverti, vit replié dans un vieil aéroport avec un compagnon de fortune, Bangley, ancien soldat (du genre Navy Seal), coriace, sans état d’âme et disposant d’un beau stock d’armes diverses. Accompagné de son chien Jasper, Big Hig sécurise le périmètre aux commandes d’un petit Cessna 182 de 1956. Bangley tire à vue (une vue de sniper) sur tout ce qui peut constituer, de loin ou de près, une menace.
Au centre du roman, donc, Big Hig et ses pensées, ses souvenirs, décousus, effilochés, son amour pour la poésie, sa foi en l’être humain, ses émotions face à la beauté de la nature. Ce livre est magnifique, empreint de poésie du début jusqu’à la fin, porté par une plume splendide, un style contemplatif tout à fait adapté à son propos, l’histoire en elle-même – la recherche de l’autre et la confrontation volontaire avec d’autres êtres humains – ne débutant que dans la deuxième partie du roman (qui en compte trois). On ne lit de toute façon pas La Constellation du Chien pour son histoire post-apocalyptique ou alors on en rate vraiment les qualités.
Revenons-en à Jim Harrison. En littérature américaine, mes goûts me portent plus vers Richard Russo, Joyce Carol Oates, Larry Brown (lisez Larry Brown et quand vous aurez fini lisez ceci) ou même Philip K. Dick que vers Jim Harrison et ses grands espaces. Je suis probablement trop terre-à-terre pour me laisser séduire par un personnage si naïf dont les imprudences à répétition mettent constamment sa vie en danger. En fait ce personnage, s’il avait été un être humain normal, plongé dans une apocalypse lente et douloureuse (le parti pris de l’auteur), n’aurait pas pu survivre aussi longtemps. Vous ne survivez pas neuf ans quand vous vous endormez au pied d’un arbre sur le terrain d’un type qui vient d’essayer de vous trouer la peau. Même avec l’aide de Bangley, Big Hig n’est pas un survivant. Bien sûr Hig sait vivre dans la nature, chasser, pêcher, traquer un gibier. Il a donc de sacré atouts pour survivre hors de la civilisation moderne, sans téléphone portable ni supermarché. Mais il est incapable de faire face à un prédateur bien plus dangereux qu’un ours : l’homme qui n’a rien à perdre mais beaucoup à gagner à lui faire la peau (et suffisamment vicieux pour tendre des pièges qu’un ours n’aurait pas imaginés). Hig est un vecteur pour Peter Heller. Hig croit en l’humanité. Hig croit que l’homme n’est pas seulement une bête guidée par l’instinct de survie. Sauf que dans les faits, Hig survit au jour le jour tout en s’accrochant à des lambeaux de croyance pour ne pas devenir fou. Et qu’au final (et la fin très ouverte du livre ne laisse pas vraiment place au doute), les hommes survivent sans véritable but, sans véritable « après », sans projet possible. Qu’est-ce qui les meut alors si ce n’est cet instinct de survie animal ?
Non, on ne lit pas La Constellation du Chien pour son histoire post-apocalyptique. On lit La Constellation du Chien pour sa foi en l’homme. Encore faut-il avoir gardé la foi.
Deux extraits :
« Le chagrin est un élément. Il possède son propre cycle comme le carbone, l’azote. Il ne diminue jamais, jamais. Il traverse tout. »
« La vie et la mort étaient indissociables. Voilà ce que j’ai compris. La mort était en nous, attendait les nuits plus chaudes, un système corrompu, un parasite, comme pour ces forêts noires qui agonisaient désormais à flanc de montage. Et la vie était contenue dans la mort, aussi virulente et tenace que la cellule souche d’une grippe. Comme il se doit. »
- Lire les avis plus enthousiastes de Cornwall, Tigger Lilly, Jae-Lou, Doris.
C’est chouette d’avoir foi en l’homme des fois
@Tigger Lilly : il paraît que les pessimistes vivent plus longtemps (sont plus prudents)
Emprunté à la bibliothèque il y a quelque temps, j’ai rapidement décroché et je l’ai rendu en n’ayant lu qu’une trentaine ou une quarantaine de page. Je n’ai pas accroché à l’écriture, à l’ambiance ou aux personnages.
J’ai envie d’avoir foi en ce livre.
Belle critique, ça donne envie !
voui voui voui mais moi je préfère Jim Harrison que Joan Carol Oates (qu’elle et déprimante cette dame) du coup ça pourrait le faire (et je ne connais pas Larry Brown, c’est grave ?)
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