Bitch Planet T1 Extraordinary Machine – Deconnick et De Landro

couv-bitch-planetBitch Planet T1 – Extraordinary Machine

De Kelly Sue Deconnick et Valentine De Landro

Glénat Comics – 176 pages

Parfois j’écoute Gromovar, quand il me dit « Tu devrais lire ça. Vraiment. »

Donc j’ai lu Bitch Planet, Extraordinary Machine. Ce premier volet d’une série, seul traduit à ce jour, comprend les cinq premiers épisodes de la série. Le troisième épisode, se concentrant sur les origines de Penny Rolle, est dessiné par Robert Wilson IV, mais le changement de dessin et le détour pris dans l’arc narratif principal ne déséquilibrent pas le rythme de l’intégrale.

Bitch Planet est un « établissement auxiliaire de conformité », une planète prison dans laquelle sont envoyées les femmes déclarées non conformes à la société. Pas de vraie rééducation en vue, personne ne revient vivante de Bitch Planet de toute façon. Un hologramme assure les confessions, culpabilise les prisonnières, la faute leur revient puisqu’elles ont été exilées. Pour quels motifs se retrouvent-on estampillée non conforme ? Un surpoids, des cheveux rebelles, une peau noire, une volonté de ne pas se soumettre, menacer un mari qui vous a trompé, rendre coup pour coup quand on vous cogne. Les normes, les lois et le pouvoir son exercés par les Pères, des WASP bien sous tous rapports – à première vue… le patriarcat dans toute sa splendeur et sa violence rebaptisé le Protectorat. Toutes les femmes sont élevées dans un idéal inaccessible : répondre aux diktats des hommes, puisque la femme n’est conçue qu’en fonction des besoins d’un autre. Qu’elle développe son intelligence, qu’elle soit capable de produire une critique ou qu’elle réagisse viscéralement pour exprimer sa personnalité, unique, et elle devient non conforme et doit être neutralisée, de peur qu’elle ne contamine le reste de la société (et les parfaites petites Femmes de Stepford que la société à généré). Pour favoriser le contrôle social, Mégaton, un jeu de balles violent et où tous les coups sont permis, passionne les foules, surtout les foules mâles.

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Sur Bitch Planet sont envoyées Penny Rolle, Meiko, Kat, Kamau et d’autres. Pas de perspectives d’avenir pour elles. Elle le savent, le lecteur le comprend vite. Ce n’est pas l’intrigue mise en place autour de la constitution d’une équipe pour le Mégaton qui retient l’attention de ce dernier, mais bien le fond de la BD, ouvertement militant, parfois outrancier, toujours juste malgré tout. Plus que de racisme ou de sexisme, ce sont les mécanismes sociétaux ségrégationnistes qui qui sont mis sur la sellette, peu importe le public ciblé. On pense aux Femmes de Stepford d’Ira Levin, mais Bitch Planet va plus loin. Là où le roman évoquait une situation cantonnée à une poignée d’individus dans une petite ville des USA, une initiative personnelle, un petit collectif duquel le lecteur extrapolait une dystopie possible, ici c’est un modèle social cohérent coercitif, bien plus normé encore, qui est mis en oeuvre. Et c’est parfaitement transposable à l’Europe, même si les conflits raciaux ne sont pas tout à fait identiques à ce que l’on trouve aux USA.

Chaque épisode se termine sur une page de fausses publicités et petites annonces aux tons criards et très pulps au contenu tout aussi subversif que le reste de la BD. L’intégrale propose aussi une trentaine pages de bonus passionnants. Outres les classiques couvertures alternatives, on y trouve une belle interview croisée de Kelly Sue DeConnick et Valentine De Landro (qui, comme son prénom ne l’indique pas, est un homme), des témoignages de féministes  (Danielle Henderson, Tasha Fierce, Megan Carpentier, Mikki Kendall, Lindy West) reviennent sur les idées reçues qui ont la peau dure et sur les concepts « de base ». Cette réflexion est complétée par des articles de Pia-Victoria Jacqmart qui réinterrogent notamment les liens entre féminisme et culture populaire et recensent quelques femmes non conformes aux standards de leur société : Olympe de Gouges, Simone de Beauvoir en passant par Hypatie et Camille Claudel.

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Gromavar, je t’ai entendu.

logo diversité petitItem 9 : Un roman graphique ou une BD ou un comic avec une femme pour héroïne

challenge dystopieChallenge Dystopie de Val

Cet article a 6 commentaires

  1. Brize

    Lu et apprécié aussi !

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