Requiem en catastrophe majeure – Olivier Gechter

Requiem en catastrophe majeure

D’Olivier Gechter

Mnémos – 320 pages

Évariste Cosson Consulting

Évariste Cosson, consultant en occultisme industriel, est plongé dans un abîme de désespoir. Sa start-up, située dans une pépinière d’entreprises à La Défense, est au bord de la faillite. La raréfaction de ses clients s’ajoute à une situation financière déjà critique. Cosson déteste deux choses : le café et Jimi Hendrix. La passion dévorante de sa mère pour le chanteur a suscité en lui une jalousie qui l’a accompagné tout au long de sa jeunesse. Pendant ce temps, Jimi Hendrix, qui ignore totalement l’existence d’Évariste Cosson, connaît une deuxième partie de carrière éblouissante sur la Côte d’Azur, après une tentative de suicide en 1970. Il est adulé de toutes parts. Cependant, Jimi décède soudainement. Patricia Lapide, sa manager fraichement licenciée par la maison de disques de l’idole, engage Evariste pour découvrir pourquoi les producteurs refusent obstinément d’annuler le concert prévu depuis longtemps ou même de simplement le transformer en concert hommage. La somme faramineuse qu’elle propose permettrait à Évariste de survire à quelques mois de disette.
En parallèle, le nouveau directeur de l’opéra Bastille sollicite aussi l’aide d’Évariste : il se pourrait que l’opéra soit hanté par Nicklaw Lentz, un compositeur éconduit qui a tragiquement péri sous un bus après son entretien de refus. C’est à ce moment que Gidéon Bomba, un sorcier chimbu et néanmoins ami d’Evariste, exige le règlement d’une dette d’honneur (sous peine d’une malédiction bien sentie). Cette dernière nécessite ni plus ni moins qu’un cambriolage de la faculté de Jussieu. Le planning d’Évariste se tend. Et comme les ennuis ne viennent jamais seuls, rien ne se déroulera comme prévu. Patricia Lapide se fait assassiner, l’opéra Bastille semble totalement infesté par le surnaturel et les cambrioleurs croisent la route d’un agent de sécurité tout à fait incongru. Bienvenue dans la vie bordélique d’Évariste Cosson !

Originalité, références et cohérence

Avec Requiem en catastrophe majeure, Olivier Gechter mêle suspense, aventures échevelées, mystère et une bonne dose d’humour percutant et d’ironie. Cosson porte un regard décalé sur ce qui l’entoure et nous partage avec gouaille ce que lui inspire le monde. Les péripéties s’enchaînent aussi rapidement et la résolution d’un problème en génère un autre auquel Évariste Cosson doit faire face (la fuite n’est pas une option). Ses missions (et, plus globalement, sa vie) semblent valider la loi de Murphy. Le monde dans lequel il évolue est semblable au nôtre (même si Hendrix y joue encore de la guitare comme un dieu) à ce détail près que, pour un bon medium, la technologie côtoie la magie, la physique quantique le surnaturel et les deux univers s’accommodent parfois très bien l’un de l’autre. La preuve, pour peu qu’on leur fournisse le bon numéro, les âmes défuntes sont capables d’utiliser le réseau 4G pour appeler leur famille. La mère d’Évariste ne s’en prive d’ailleurs pas, même si ce dernier est tout à fait en capacité de la rejoindre temporairement dans l’Abîme pour lui faire la causette. L’Abîme est à la fois le lieu de séjour des morts avant leur réincarnation, et la masse manquante de l’univers recherchée par les physiciens, là où se dissimule la matière non baryonique. Sous une apparente légèreté et drôlerie, Olivier Gechter a minutieusement élaboré son univers jusque dans ses moindres détails. Que vous soyez fan de Jimi Hendrix ou non, que vous appréciez les histoires alternatives ou non, que vous aimiez les, ce roman est fait pour vous. Sachez aussi qu’il est dédié à Francis Zegut (et ça c’est bien, même si cela ne nous rajeunit pas).

Un extrait

Je n’avais pas menti en prétextant un rendez-vous. J’avais prévu de déjeuner avec Nadine (joie) et sa mère (moins joie). Ce n’était pas l’idéal pour resserrer les liens de notre couple, mais c’était déjà mieux que rien. Et même si Garance Clédard savait se rendre insupportable, sa maladresse pataude d’éléphant de mer réussissait toujours à lui donner un je-ne-sais-quoi de sympathique.
Pour rejoindre son appartement, je choisis de prendre le bus 39. Il fallait marcher un peu pour terminer le trajet, mais quand j’ai du temps et que je n’ai pas mon vieux Piaggio sous la main, j’aime bien le bus. Ça me détend presque autant que de dessiner des mandalas avec du sang de poulet. Malgré la circulation, la cohue, les faces (et les effluves) de merlans frits qu’on y croise, j’adore regarder la ville par la vitre, au-dessus des têtes des piétons qui grouillent alentour. Même coincé à un carrefour, même à l’arrêt sur le boulevard des Maréchaux, la vie défile autour de moi, banale et pourtant toujours surprenante.
Le spectacle de la rue peut être un sujet d’observation intéressant pour un humain ordinaire. Pour ceux qui savent voir, le moindre croisement se change en un véritable ballet cosmique. Les esprits multicolores frôlent les âmes humaines à tous les coins de rue ; des auras extraordinairement bigarrées apparaissent dans des enveloppes corporelles qu’on n’aurait jamais crues capables d’abriter de telles richesses : cet épicier qui attendait, morose, devant son étal, qui imaginerait le potentiel mystique qui dort en lui ? Cette petite vieille, traînant son cabas rempli de poireaux et dont le visage paraît plus terne encore que le manteau démodé qu’elle porte, qui aurait pensé que, dans l’Abîme, elle brillerait avec une magnificence qu’aucune reine de ce monde ne pourrait jamais égaler ?
Ce sont ces moments de méditation autobussière qui me permettent de me rappeler que l’humanité, malgré la liste interminable de ses défauts, reste une des plus grandes merveilles de la création.

Cet article a 5 commentaires

  1. Baroona

    J’ai failli crier “Kamoulox” à la lecture du pitch. Pitch que j’ai l’impression de découvrir totalement d’ailleurs alors que j’ai déjà vu passer quelques fois le livre. Je crois que je n’avais jamais réellement pris le temps de voir de quoi ça parlait, ça a l’air bien plus fun et envisageable que ce que j’imaginais.

    1. Lhisbei

      C’est totalement fun avec un peu de pyrotechnie à la fin aussi. Vraiment c’est une excellente surprise (et j’ai ri à la lecture parce que c’est vraiment bien fichu)(feel good book)

  2. Vert

    J’avais bien aimé, c’est une chouette série très prenante avec un bel univers (et maintenant je veux visiter les souterrains de Jussieu !)

    1. Lhisbei

      Les souterrains de Jussieu is the new Catacombes 😉

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