De Simon Jimenez
J’ai Lu Nouveaux Millénaires – 544 pages. Traduction de Patrick Dechesne
Une narration multiple
Le pays sans lune présente une narration complexe qui entrelace plusieurs strates et plusieurs perspectives. L’histoire principale concerne le Vieux Pays et la chute du Trône de la Lune. Le pays souffre de la tyrannie de l’Empereur et de ses trois fils, les trois Terreurs. Ces derniers détiennent des pouvoirs hérités de leur mère, la Lune incarnée, emprisonnée sous l’enceinte du palais impérial. L’Impératrice parvient à s’échapper et, avec l’aide de Jun, un soldat brisé, et de Keema de la tribu Daware, manchot et paria, va provoquer la fin de la dynastie régnante à l’issue de ce qu’il convient d’appeler une course poursuite sur cinq jours.
Cette légende, épopée mouvementée aux résonances épiques, se dévoile à travers différentes voix. Celles, classiques, des personnages de l’histoire. Celle d’un narrateur se remémorant le conte raconté par sa « lola », sa grand-mère, issue d’une famille d’exilés et qui y ajoute ses propres souvenirs et impressions d’enfance.
La légende est aussi jouée sur la scène d’un théâtre inversé, un espace hors du temps, accessible à travers les rêves. Le public est constitué de rêveurs venant d’époques variées.. Hors du temps, son public est composés de rêveurs issus d’époques différentes. Et l’un deux partage ses impressions. La narration du roman adopte tour à tour la première, la deuxième et la troisième personne, en fonction des moments et des perspectives. Même si cela semble complexe voire artificiel parfois, cette alternance est fluide et reste accessible. Seul bémol, elle maintient à distance et ne permet pas une grande empathie pour les personnages.
Épique épopée
Si la trame fantasy du Pays sans lune peut sembler classique, elle révèle un univers profondément riche et complexe qui se dévoile peu à peu. Cette épopée, ponctuée de batailles et jalonnée de morts sanglantes, teintée de la cruauté la plus sombre, se pare aussi de poésie et d’amour. Le tragique le dispute à la beauté, créant un effet de contraste fascinant. Certains passages possèdent un pouvoir d’évocation remarquable et le destin de certains personnages marque durablement. Les interactions entre Jun et Keema, ainsi que l’amour qu’ils se portent, montrent que même à travers la brutalité, il subsiste une lueur d’espoir et de rédemption. Le roman porte aussi une réflexion sur l’identité et les rôles que nous acceptons ou qui nous sont imposés par les circonstances de la vie, ainsi que sur ce qui se transmet à travers les époques et les résonances d’un passé lointain dans le présent. La traduction de Patrick Dechesne, qui restitue la richesse de ce texte, est à souligner.
Avec des chapitres courts qui s’enchaînent rapidement, ce livre se dévore comme un véritable page-turner. Néanmoins, de Simon Jimenez, j’ai préféré Cantique pour les étoiles qui, s’il se montrait moins impressionnant sur la forme, m’a beaucoup plus fait vibrer.
Un extrait
Les histoires sont partout, on ne peut pas y échapper. Chaque jour, on se raconte une histoire ; les détails de notre journée deviennent une partie de notre mythe. Celui-ci est réordonné. On lui donne un sens. Ta lola a raconté des histoires sur le pays d’où elle venait ; ton père t’a raconté des histoires sur lui-même. Mais ce qui se passait à ce moment-là, au quatrième jour, c’était un lever de rideau. Avec le temps, il leur est apparu à tous les deux, alors qu’ils se regardaient de part et d’autre du feu de camp incandescent et du drap dans lequel ils avaient placé Ses os, qu’une porte avait été ouverte, un seuil franchi. Un œil, ouvert. Ils entendaient l’histoire de l’autre. Cette narration intérieure. La même narration que vous entendez dans ce théâtre. Cette prise de conscience a fait dresser les cheveux de Keema sur sa tête. Il avait l’impression que son sang n’était pas le sien. Il a regardé son bras, sa main. Et je me suis demandé : où sont passées mes ecchymoses ?
Hé bien tu vois, j’ai tenté; je suis venue, j’ai vu, j’ai pas vaincu du tout. J’ai strictement rien capté à ce bouquin. Où on était, à quelle strate de narration, qui parlait, à quelle époque on était… Bcp trop compliqué j’ai trouvé pour au final un récit de fantasy plutôt classique. Je me suis rappelé, pendant ma courte lecture (parce que j’ai rapidement abandonné, pour tout avouer), l’adage “pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué.
Et l’écriture certes jolie m’a également perdue, je ne comprenais pas l’enchaînement des phrases ni leur sens. En fait, j’aurais eu la même incompréhension devant un bouquin dans une langue étrangère (autre que l’anglais, que je maîtrise un peu quand même).
Alors lire ton retour me rend à la fois perplexe (“mais a-t-on lu le même bouquin ?”) et surtout admirative !
Oui, je comprends l’effet “tout ça pour ça” : la construction peut paraître artificielle, il faut se laisser porter un temps pour que les “voix” narratives se mettent en place (surtout lorsqu’elles parlent ou se répondent dans le même paragraphe). Et sur le fond, c’est de la fantasy classique, même sous une forme, disons, originale. Mais l’auteur fait preuve d’une grande maîtrise de la narration, de ses fils, de ses narrateurs. Je trouve ça intéressant, un roman qui ne fasse pas consensus
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