Noblesse oblige – Maiwenn Alix

Noblesse oblige

De Maiwenn Alix

Slalom – 400 pages

Une monarchie de strass et de paillettes

Dans un monde où la Révolution de 1789 n’a pas réussi, la France vit sous le règne autoritaire de Louis XXI. Pour maintenir son emprise sur le peuple, la monarchie utilise des émissions de téléréalité. La télévision est un outil de propagande et les nombreuses émissions de téléréalité donnent l’espoir d’une élévation aux masses populaires. Parmi celles-ci, l’émission Noblesse oblige, la plus populaire, met en vedette des jeunes roturières sélectionnées pour rencontrer des nobles et envisager des mariages avantageux. Celles qui ne trouvent pas un mari finissent dans un couvent.
Gabrielle est au service de la famille de Kerdoncuff depuis que son père s’est fait piéger et emprisonner à la Bastille. Après avoir récupéré – et presque mené à la ruine, la compagnie maritime florissante bâtie par son père adoptif – cette famille noble profite d’un dispositif fiscal avantageux en employant la jeune fille. Repérée par la duchesse de Léon, devenue la belle-mère de la gagnante de l’émission de l’année précédente, Gabrielle est sélectionnée pour participer à la prochaine saison de “Noblesse oblige”. Farouchement anti-royaliste, elle accepte la dangereuse proposition de devenir espionne pour les Républicains. Elle doit ainsi recueillir des informations sur l’origine de l’incendie qui a causé la mort de Capucine de Léon. Mais avec la participation du Dauphin à cette nouvelle saison, sa mission va s’avérer plus périlleuse que prévu. Une fois à Versailles, lieu de vie et de tournage de l’émission, Gabrielle se révèle être la plus parfaite des espionnes. Elle s’appuie sur des années d’expériences dans la dissimulation de ses sentiments et opinions, des années d’entraînement dans le rôle de la petite bonniche reconnaissante et obéissante au service nobles haïs. Au fil des jours, elle découvre des alliées tout aussi respectueuses en apparence des conventions et du pouvoir en place mais œuvrant dans l’ombre (et parfois sur un temps long) au noyautage de la monarchie.

Tout est écrit

Noblesse oblige mêle la monarchie traditionnelle, ses codes sociaux (et vestimentaires) corsetant à la modernité contemporaine. L’intrigue est bien construite, avec un rythme soutenu et des rebondissements qui donne un aspect page-turner au roman. En explorant les jeux de pouvoir au sein de la noblesse, le roman dépeint une classe sociale à la privilégiée, corrompue et perverse. Il met aussi en lumière les travers de la téléréalité, en exposant les manipulations, les scénarios fabriqués, et les jeux de pouvoir qui se cachent derrière cette industrie du divertissement.
L’histoire est racontée du point de vue de Gabrielle, imprégnée de sa subjectivité et de son intelligence. Si cette perspective crée une proximité émotionnelle et permet une exploration approfondie de son caractère, elle limite le développement des personnages secondaires. Gabrielle, pianiste de talent, sélectionne et interprète mentalement les morceaux les plus adaptés à chaque situation ou défi ce qui lui permet de se concentrer sur son jeu d’actrice (et de tenir le choc dans les moments les plus difficiles. Un procédé ingénieux.
Complots, faux-semblants, tortures psychologique et physique… C’est bien plus sombre que ce à quoi on pourrait s’attendre dans un roman young adult, mais j’ai beaucoup apprécié cette noirceur. Même si le roman ses suffit à lui-même, la fin laisse la porte ouverte à un éventuel second tome ce qui n’est pas pour me déplaire.

Citation

— N’allez surtout pas croire que votre « sang pur » vous anoblit. Vous n’êtes pas noble. Si vous êtes là, c’est parce que mes services vous ont identifiée comme étant suffisamment jolie pour passer à l’image, raisonnablement éduquée ou douée, et ayant un ADN exempt de certaines tares génétiques. N’allez pas croire que vous êtes l’égale de celui que vous épouserez. Vous, comme toutes les jeunes filles qui participent à cette émission depuis près de deux décennies, n’êtes là que pour assurer à la noblesse des héritiers sains. Le seul but de ces rencontres annuelles est d’introduire suffisamment de diversité génétique pour pallier la consanguinité qu’ont introduite pendant des siècles les mariages arrangés entre cousins trop proches.
Je prends sur moi pour acquiescer avec humilité et gravité.

Lire aussi l’avis de Galleane.

 

Cet article a 2 commentaires

  1. Baroona

    Les possibilités de l’imaginaire (et de l’imagination) sont définitivement infinies (et parfois hautement improbables).

    1. Lhisbei

      C’est très surprenant 🙂 Et même si je ne suis pas le public cible, je me suis retrouvée à avoir envie d’en savoir plus à chaque page. J’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman (et le côté sombre – je ne veux pas divulgâcher – lorgne du côté de Sade)

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