L’Oeil et le poing, Sohl T1 – Julien d’Hem

L’Oeil et le poing
Sohl Tome 1

De Julien d’Hem

Asgard – 406 pages

Il faut que je vous avoue quelque chose. Julien d’Hem et moi avons une histoire. Ne vous faites pas d’idées fausses (je vous vois venir), il s’agit d’une histoire d’écrivain à lecteur, rien de plus. Lors des Imaginales 2009, j’ai fait dédicacer l’anthologie Rois et capitaines, anthologie dans laquelle son premier texte était publié. Logiquement (parce que, oui, il y a une logique dans les dédicaces) j’ai commencé par faire signer l’anthologiste, Stéphanie Nicot qui m’a littéralement poussée vers Julien d’Hem pour poursuivre. Rien de très original en somme. Sauf qu’en signant mon exemplaire de Rois et capitaines, Julien d’Hem signait sa première dédicace en tant auteur. Une première fois pour lui (et un fard pour moi quand il me l’a dit). Pour le suivre sur Facebook, je savais qu’il préparait un roman de fantasy et qu’il le présentait en avant-première à Zone Franche sur le stand de son éditeur. Et que j’allais donc l’acheter et le lire. Et le chroniquer ici. C’est donc avec une pointe d’appréhension que j’ai commencé la lecture. Et si le roman ne me plaisait pas ? Et s’il était mauvais ? Comment faire ? Chroniquer ou ne pas chroniquer ? Garder un silence poli ? Envoyer un mail ? Des questions stériles et sans réponses qui ont un peu retardé la lecture. Il a fallu un transat et du soleil (remède miracle) pour que ces interrogations parasites et stériles fondent et se laissent oublier. Une fois la lecture commencée, je me suis rendue compte que ces questions n’avaient de toute façon pas lieu d’être puisque le roman est loin d’être mauvais ou déplaisant.

L’Oeil et le poing s’annonce comme un roman de fantasy épique, premier volet d’une série, et ne ment pas sur ce point. Il présente deux trames narratives : avant et après les Grandes Guerres (guerres dont les tenants et aboutissants resteront un mystère d’ailleurs). La première forme l’intrigue principale : en 552 après les Grandes Guerres, Lorne, un barde, est missionné par Herlann Oeil-Sombre, maître de la guilde des assassins, pour retrouver sa fille, enlevée par des sorciers de l’Ordre de Th’sal. La seconde trame, en 317 avant les Grandes Guerres, conte l’histoire de la chasse au dernier des dragons par le Chasseur, guerrier légendaire à l’épée maudite. Des ingrédients classiques de l’heroïc fantasy donc : une épée magique, des sorciers et des mages, des guildes, une quête. A cela s’ajoute des complots, une guerre pour un royaume, des trahisons, une histoire d’amour, d’amitié, entre les nombreux personnages qui se croisent et gravitent autour de Lorne. Et des Dragons. Malgré ma fascination pour les dragons, je n’ai jamais été une grande fan des romans de fantasy épique mais, ici, loin de donner une bouillie indigeste, tous ces ingrédients se marient bien pour entraîner le lecteur dans un univers riche, et qui, même s’il ne révolutionne pas le genre, a du corps et du coffre. L’oeil et le poing s’inscrit dans une longue tradition (et l’assume) et on sent du respect pour les Grands Maîtres du genre (Moorcock en premier). Quand c’est bien fait, et c’est le cas dans L’Oeil et le poing, le lecteur aurait tort de bouder son plaisir.

La construction du roman est soignée : l’intrigue se tient bien, le récit monte en intensité et en puissance et réserve quelques bonnes surprises même si, parfois, le lecteur voit venir certains évènements de loin. L’alternance des trames narratives qui se répondent, les en-têtes de chapitrent donnent à penser que l’auteur a soigneusement défini son univers et qu’il recèle de bien des possibilités (et donc de futurs récits en perspective). Si la fin du roman ouvre sur une suite, elle n’offre pas un cliffhanger frustrant (je ne supporte plus les cycles « suite dans le tome suivant et fin dans le tome 32 »). Les personnages sont bien dessinés et l’auteur ne les épargne guère : l’écueil des personnages monocorde est évité, et de loin. Leurs enjeux personnels rejoignent bien vite ceux, bien plus importants, d’un monde en danger. Le style, très travaillé, est adapté au récit : vif dans les scènes d’action, sophistiqué la plupart du temps. Julien d’Hem a trouvé un équilibre entre descriptions, scènes d’action et dialogues. Seul bémol : les adverbes en « -ment » qui viennent parfois affadir la plume de l’auteur.

Du côté des petits reproches, je pointe du doigt le texte de quatrième de couverture, guère accrocheur — et pourquoi l’avoir écrit aussi gros ? Ce n’est pourtant pas un roman estampillé “grands caractères” … et puis le rendu est très laid — une police de caractère intérieure un poil trop grande aussi — on aurait pu aisément gagner quelques pages et reposer autant les poignets que les yeux du lecteur — mais à part ces points de détails, l’objet livre est de bonne facture. La superbe couverture de Pascal Quidault y est certainement pour quelque chose.

L’Oeil et le poing n’est pas exempt de défauts mais, pour un premier roman, il tient bien la route et place d’emblée Julien d’Hem dans la catégorie des auteurs à suivre. Et moi j’attends maintenant de retourner au Royaume de Sohl (avec une belle carte cette fois ? Juste pour le plaisir des yeux..).

Un extrait :
« Sur le large lit aux draps frais reposait le paquet qu’il portait habituellement dans son dos. Détachant les lanières, il en ôta les étoffes qui l’enserraient, puis contempla sa destinée.
Il n’existait pas d’arme qui lui fût comparable. Elle représentait l’alliance de ce qui se faisait de mieux, tant sur les plans physiques que magiques. Fusion de plusieurs arts, la lame à double tranchant, parfaitement équilibrée, était gravée de runes de pouvoir tout au long de sa surface rutilante. Loin de l’affaiblir, cela en renforçait considérablement la puissance. La longue poignée recouverte de cuir était torsadée d’un fil d’or enchanté, enroulé de tout son long jusqu’au pommeau : une dent de dragon lestée.
Telle était Porte-Peine, l’âme du Chasse-Dragon. La source de ses pouvoirs. »

Cet article a 3 commentaires

  1. Xapur

    Bon, çà donne plutôt envie de le découvrir, çà !

  2. NicK

    euh… La couv’ est moche. Vraiment. Malheureusement. Bon je passe mon tour.

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