L’uchronie – Éric B. Henriet

L’uchronie

De Éric B. Henriet

Klincksieck – 264 pages

Voici un essai comme je les aime : érudit, précis, clair et accessible à tous.

Dans L’uchronie Éric B. Henriet dresse un portrait global de l’uchronie. Il la traque sur tous les supports imaginables : livres, essais, films, émissions de télévision, chansons, internet, jeux sans pour autant verser dans une présentation de type catalogue… Présenté sous forme de questions-réponses thématiques, l’essai évite l’écueil de la confusion qui pourrait résulter d’une démarche de définition plus classique. 50 questions réponses permettent donc d’appréhender le genre (car, oui, on peut parler, enfin, de genre) en l’abordant sous différents angles de vue, de manière organisée, sans digressions parasites mais avec le souci du détail et de la précision.

Éric B. Henriet recherche ses racines : « Quelle est l’oeuvre fondatrice du genre ? », « Y-a-t-il une préhistoire du genre avant Geoffroy et Renouvier ? ». Il définit ses caractéristiques (« Qu’appelle-t-on point de divergence et évènement fondateur de l’uchronie ? ») et ses différences avec les histoires secrètes et le steampunk. Il qualifie les uchronies de manière pointue (uchronie de fiction, uchronie personnelle). Il aborde des thématiques voisines comme le voyage dans le temps, les paradoxes temporels ou l’anticipation. Il contextualise l’uchronie dans la démarche d’un historien mais d’un historien qui s’inscrirait dans une approche scientifique de sa discipline. L’uchronie permettrait à ce dernier de faire une expérience « contradictoire », la seule possible puisque le passé ne peut être réellement changé. Il fait aussi un point sur la possibilité de faire des voyages dans le temps en fonction de nos connaissances actuelles en physique. Nul besoin d’un doctorat en physique quantique pour comprendre la réponse. Vous l’avez compris, les questions sont pertinentes, les réponses intelligentes, synthétiques et précises. D’une question à l’autre, les thématiques se rejoignent parfois mais les répétitions ou redites sont très peu nombreuses. Autre point appréciable, l’auteur ne se contente pas d’un panorama français ou francophone mais va chercher l’uchronie bien loin en dehors de nos frontières. La matière accumulée et le travail fourni pour rédiger cet essai n’en sont que plus impressionnants encore.

Dans les dernières questions Éric B. Henriet pose la question de l’explosion du genre et de son avenir qui semble, en France en tout cas, au point mort. L’essai date de 2009 mais même si, en littérature, des uchronies récentes ont été publiées, le domaine ne semble pas intéresser beaucoup les universitaires, les historiens ou les théoriciens du genre.

La bibliographie, tout aussi impressionnante que le reste de l’essai, couvre la littérature, la BD (les comics, mangas aussi), le cinéma (mais aussi les documentaires, émissions, téléfilms, courts métrages, série TV, dessins animés), les jeux (de rôle, de plateaux, wargames), la musique, la radio, les conférences et colloques, internet et même la peinture (!). Ce livre est donc un incontournable pour qui s’intéresse à l’uchronie.

Pour terminer avec un point de détail sur les uchronies concernant la seconde guerre mondiale je retiens cette phrase : « Les oeuvres les plus connues, comme Le Maître du Haut-Château de Dick, ne sont pas nécessairement les plus réussies. ».


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Cet article a 14 commentaires

  1. gromovar

    Absolument d’accord avec l’avis sur “Le maitre du haut chateau”. Je suis convaincu que si K Dick n’était pas l’auteur, il y a longtemps qu’on ne parlerait de ce texte assez quelconque.

  2. Acr0

    Ca vaudrait le coup de le lire… Parce que j’ai lu deux livres référencés sur Uchronies.com, qui sont disons,bien de l’uchronie, mais c’est un peu tiré par les cheveux.

  3. Loula

    Pfff quand je pense que ça fait un an qu’il me reste trois chapitre à lire de ce livre… Zut pour une fois que j’ai prévu une vraie chronique j’aurais aimé te griller la politesse!!![]
    En tout cas, sachez que tout ce que vous dites sur le Maître du haut château reste absolument entre nous car mon amoureux veut absolument que je le lise et j’ai dû le poser au bout de pas beaucoup de pages (il y a un an aussi)mais comme je n’ai rien dit il insiste toujours…

  4. faelys

    j’avais déjà sorti mon carnet “LAL” à la 2ème ligne de ton billet, après “érudit, précis, clair et accessible à tous”…pour moi, quoi!! merci!

  5. Cachou

    (j’ai bien ri à la remarque de l’auteur sur “Le maître du Haut-Château”)(j’ai déjà empoigné mes chips – sans bière donc – dans l’attente de certaines réactions ;-p)
    C’est ça alors ta source sûre? Elle m’intrigue, mais je ne sais pas si j’ai envie de lire autant sur un seul genre. Qui sait, je vais toujours le suggérer à la bibli…

  6. Lhisbei

    @ Lystig : j’ai bien ri quand je l’ai trouvé (et j’ai vigoureusement acquiescé aussi) []
    @ Gromovar : je ne peux que plussoyer de 42 au carré @ Acr0 : oui ça vaut le coup. Uchronies répertorie les livres uchroniques mais aussi les livres contenant des éléments uchroniques. L’essai aborde aussi ces deux aspects d’ailleurs.
    @ Loula : désolée si j’avais voulu le faire exprès le plan aurait foiré [mdr]. Courage avec le Dick (je compatis et je crois que sur ce blog je ne serai pas la seule)
    @ Gromovar : Uchronies recense mais ne conseille rien. Et puis si les éditeurs publient de la merde ben on lira de la merde … (tu es dur tout de même ou alors j’ai de la chance parce que je suis loin de lire 90 % de merde, ouf[heuu hum])
    @ Faelys : je savais que cette phrase était magique. d’ailleurs il n’y a même pas besoin de lire le reste de la chronique @ Cachou : je tiens les cacahuètes toutes prêtes. j’attends de voir si un troll en billet c’est comme un troll en forum ou dans les commentaires @ Cachoiu : c’est LA source ultime . J’ai dévoré l’essai (c’est rare d’ailleurs pour un essai que je le lise aussi vite). si la biblio ne le commande pas et que ça te tente fais moi signe je te le prêterai à T&L et je le récupèrerai un peu plus tard quand on viendra faire les bouquineries à Tournai

  7. endea

    Ah ah quelle citation hein ? Bon j’ai réussi à lire Le maitre du haut chateau, je suis déjà assez fière de moi, pour autant comme je le disais, pas sûr que j’aurais réussi dans des conditions un peu moins zen.
    Par contre l’essai m’a l’air intéressant mais ce n’est pas trop barbant de lire ce type d’ouvrage ? j’ai un peu de mal à m’y remettre depuis mes études (obligation de lire des tas d’essais etc comme dans tous les cursus lol)

  8. Ferocias

    Son essai chez Encrage est bien plus complet même s’il est antérieur.

  9. Vert

    Mouahahah rien que pour la citation j’ai bien envie de lire ce livre ! Bon j’y jetterais ptêtre un oeil un jour, ça a l’air sympa (mais pour le moment vaudrait mieux pour moi de me passionner pour les bibliothèques, le catalogage et j’en passe xD)

  10. celui-ci ou celui chez encrage, cela risque d’être un de mes achats futurs…
    Bonne analyse en tout cas, bravo Lhisbei.
    A.C.

  11. julien naufragés

    Pour K. Dick je plussoie, je l’ai lu deux fois, et je ne suis pas certain que cela soit forcément une grande oeuvre. L’idée est très bonne, mais bon… Comme le dit Gromovar, ce serait un autre auteur, on en parlerait même pas.

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