À la recherche du livre perdu, Bérénice Libretti T1 – Magali Lefebvre

À la recherche du livre perdu
Bérénice Libretti T1

De Magali Lefebvre

Alter Real – 280 pages

En décembre de l’année dernière, je craquais, en numérique et malgré une PAL dantesque (shame on me) sur deux titres : Les dix mille portes de January d’Alix E. Harrow et À la recherche du livre perdu, Bérénice Libretti T1 de Magali Lefebvre (Lullaby). Deux titres d’urban fantasy – à première vue, un genre que j’adore depuis que je suis tombée sur (ou dans) Neverwhere de Neil Gaiman (dans son éditions J’ai Lu Millénaires et ça devrait être en 1999, toi aussi prends un coup de vieux avec tes souvenirs de lecture). J’ai donc commencé l’année 2022 en la très agréable compagnie de Bérénice Libretti.

C’est plus qu’une bibliothèque ?

Après une première expérience désastreuse dans une bibliothèque traditionnelle, sous les ordre d’une responsable toxique, Bérénice a rejoint l’équipe de la Bibliothèque Divine de Babel-Babylone (appelée aussi site B). Ce poste lui convient mieux, même si son estime d’elle-même a foutu le camp à l’autre bout du monde et qu’elle reste persuadée de ne pas mériter son nouveau boulot – un petit complexe de l’imposteur, trois fois rien, je vous assure.  L’entrée, planquée dans le cagibi d’une entreprise parisienne est gardée par Bernard, frère de Cerbère, le gardien des enfers. La bibliothèque elle même est dirigée par Nabû, un dieu mésopotamien distant mais impressionnant. Le site B abrite des ouvrages magiques et, à ce titre, il n’existe pas officiellement et Bérénice doit impérativement garder le secret sur la nature de son emploi. Ses collègues sont aussi quelque peu atypiques. Herbert, fantôme d’un bibliothécaire qui officiait déjà sur le site B au XIXe siècle, la taquine souvent. Quant à Fhtagn, l’homme-poulpe âgé de plusieurs siècles, il vénère un dieu cauchemardesque, extraterrestre et très ancien (vous l’avez, n’est-ce pas…). Bérénice est tout aussi atypique bien qu’elle ne le sache pas encore. Elle n’a aucune idée de la raison pour laquelle elle a été recrutée et ne se doute pas qu’elle est une bibliomancienne. Lorsque le Livre de Thot, un ouvrage détenteur d’une magie puissante disparaît, Nabû la charge de mener l’enquête. Ses investigations la conduiront aux quatre coins du monde, au coeur d’un conflit dont les enjeux la dépassent avec en parallèle la découverte de sa nature profonde.

Références et aventure

L’univers mis en place allie amour des livres, défense des bibliothèques, magie et mythologies diverses (nordique, égyptienne, grecque…) avec inventivité (mention spéciale à la Bibliothèque Mobile de Hermès et aux pouvoirs des bibliomanciens) et une belle cohérence interne. La caractérisation des personnages est soignée et leurs relations évolutives plaisantes à suivre. La narration se porte au plus près de Bérénice et de ses fêlures, ce qui renforce l’empathie et donne parfois envie de la secouer (gentiment) un peu – si les autres te font confiance Bérénice alors tu peux te faire confiance. La romance et, plus globalement la difficulté à trouver une âme soeur, est justement dosée – le charme scandinave opère avec Nils même si j’ai un peu passé l’âge. Le ton varie de léger à grave, avec souvent une pointe d’humour ou d’ironie qui titillent la curiosité et poussent à tourner les pages, encore et encore. Le roman donne l’impression de se lire tout seul. Et si vous êtes vous même bibliothécaire vous avez de grandes chances de multiplier votre kiff par deux lors de la lecture. Cette citation devrait d’ailleurs vous plaire :

Bérénice plissa le nez. Elle n’avait jamais remis en cause le statut très fermé de la Bibliothèque Babel-Babylone, étant donné la dangerosité latente de certains des ouvrages qui y étaient conservés, mais celle d’Alexandrie ne nécessitait pas tant de précautions. Dès lors que les lecteurs éventuels étaient mis au fait de la préciosité des plus vieux livres présents ou de ceux ayant été perdus pour le reste du monde, il n’y avait aucune raison de restreindre à ce point l’accès au site. Garder de tels trésors claquemurés lui semblait une hérésie. Cela allait à l’encontre du principe même de bibliothèque.

En 2013 dans son discours prononcé au Barbican Centre de Londres sur invitation de la Reading Agency (Pourquoi notre futur dépend des bibliothèques, de la lecture et de l’imagination, texte mis à disposition gratuitement par les éditions Au Diable Vauvert, traduction de Patrick Marcel), Neil Gaiman (oui, encore lui) annonçait :

Je vais vous dire que les bibliothèques sont importantes. Je vais suggérer que lire de la fiction, lire pour le plaisir, est une des plus importantes activités à laquelle on puisse s’adonner. Je vais lancer un appel passionné pour que les gens comprennent ce que sont les bibliothèques et les bibliothécaires, et qu’il faut les préserver.

Sous l’apparence d’une fiction légère, Magali Lefebvre, rappelle le rôle fondamental des livres, l’importance du savoir qu’ils contiennent, la nécessaire accessibilité des bibliothèques et la mission capitale des bibliothécaires. Et sur le RSF Blog, on embarquera avec plaisir au côté de Bérénice Libretti pour une nouvelle aventure.

Cet article a 7 commentaires

  1. Zina

    Pourquoi pas à l’occasion, j’aime bien le genre, ça pourrait me plaire.

  2. Baroona

    “est gardée par Bernard, frère de Cerbère, le gardien des enfers” : cette phrase m’a fait rire bien plus qu’elle n’aurait dû. xD
    J’adore “Neverwhere” aussi mais pour autant ça ne m’a jamais poussé à lire plus d’UF. Ça donne envie de faire une exception (si on omet la romance), ça a l’air fun.

    1. Lhisbei

      je me rends compte qu’elle spoile aussi un peu (un détail) cette phrase 🙂 C’est fun, oui (mais il y a du fond) !

  3. Yuyine

    Génial! Ce n’est pas mon genre à priori mais la bibliothécaire que je suis est forcément intriguée. En tout cas je vais certainement l’ajouter à notre fonds.

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