De brindilles et d’os, Les Enfants indociles T2 – Seanan McGuire

De brindilles et d’os
Les Enfants indociles T2

De Seanan McGuire

Pygmalion – 224 pages. Traduction de Benjamin Kuntzer

Retour de chronique du Bifrost 106

Deuxième tome de la série des Enfants indocilesDe brindilles et d’os s’intéresse aux jumelles Jack et Jill, déjà présentes dans le premier opus (Les Portes perdues, évoqué dans les colonnes de notre 105e livraison) puisqu’elles étaient pensionnaires dans l’orphelinat d’Eleanore West. À douze ans, elles ont découvert, dans une malle à vêtements laissée au grenier par leur grand-mère adorée, un escalier descendant vers un monde magique. Rentrées chez elles après cinq années passées dans les Landes, leur retour inattendu avait causé à leurs parents plus d’embarras que de joie. Chester et Serena Wolcott les avaient d’ailleurs remplacées par un petit garçon parfait qui rendait leur famille tout aussi parfaite. En un sens, Jack et Jill avaient servi de brouillon. Personne n’aurait imaginé les Wolcott dans le rôle de parents, encore moins aimants. Ils appréciaient le calme, l’ordre, la routine, leur intérieur impeccable et leurs plates-bandes fleuries. Des aspirations difficilement compatibles avec un enfant, et encore moins deux. Mais avoir un fils, pour Chester, signifiait renforcer ses liens avec ses collègues et supérieurs déjà chefs de famille, et démontrer son sens des responsabilités. Un passeport pour faire décoller sa carrière. Pour son épouse, une fille à admirer renforcerait son prestige social. De très mauvaises raisons pour concevoir un enfant. Les Wolcott tenaient à leur perfection, et pour contrer la déception d’avoir des jumelles, ils assignèrent des rôles bien précis à leurs filles, sans, bien entendu, tenir compte de leur personnalité. À vrai dire, ils n’avaient même pas imaginé qu’elles pouvaient en avoir une. Sous la férule de sa mère, Jacqueline devint une petite princesse, calme, jolie, polie, n’abîmant jamais ses jolies robes. Sous l’influence de son père, Jillian se transforma en un garçon manqué aux cheveux court, joueuse de foot et toujours partante pour une aventure si possible salissante. Seule oasis de bonheur dans cette famille dysfonctionnelle, Louise, leur grand-mère, appelée en renfort à la naissance des jumelles et renvoyée chez elle sans ménagement lorsqu’elles avaient cinq ans.

De brindilles et d’os raconte donc l’histoire de Jack et Jill, de leur conception à leur séjour dans les impitoyables Landes, de leur reconstruction depuis l’enfermement psychologique et social imposé par les parents jusqu’à l’émancipation dans un monde magique où les choix induisent parfois des conséquences mortifères. Dans ce conte contemporain, Seanan McGuire explore avec acuité les relations familiales et l’évolution des rapports entre deux sœurs, ponctués de non-dits, d’un désir de se distinguer et d’un amour inconditionnel l’une envers l’autre. Comme dans le premier volet, la caractérisation des personnages, principaux et secondaires, et la manière dont ils sont écrits constituent une force. Ce court roman pourrait presque se lire indépendamment du premier tome. Cependant, inverser l’ordre de lecture risquerait de gâcher le plaisir du premier. Les illustrations intérieures de Rovina Cai viennent en appui au texte de belle manière, et ont le mérite d’adoucir un prix d’achat toujours élevé – 19,90 euros en version papier et 13,99 euros en numérique. En définitive, De brindilles et d’os, plus convaincant que Les Portes perdues, donne une furieuse envie de connaître les histoires de tous ces enfants indociles pensionnaires d’Eleanore West.

Un extrait

Si Mamilou avait été autorisée à rester vivre chez eux, elles auraient sans doute lu plus de contes de fées, auraient eu vent de plus nombreuses histoires d’enfants ouvrant une porte à un endroit et se retrouvant ailleurs. Si elles avaient pu grandir en suivant leur propre route, leurs propres centres d’intérêts, elles auraient peut-être rencontré Alice, Peter et Dorothée, autant d’enfants égarés s’étant retrouvés dans la féerie d’un autre. Mais les contes de fées étaient trop violents et sanglants au goût de Serena, et les livres pour enfants souvent trop mièvres et fantaisistes à celui de Chester, et si incroyable que cela puisse paraître, Jacqueline et Jillian n’avaient jamais été confrontées à la question de ce qui pouvait se tapir derrière une porte qui n’était pas censée exister.
Toutes deux considérèrent l’impossible escalier, trop déconcertées et enthousiastes pour avoir peur.;

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