L’uchronie – Histoire(s) alternative(s)
de Laurent Bazin
Presses Universitaires Blaise Pascal collection L’Opportune – 64 pages
La collection « L’Opportune » permet de découvrir un thème ou un sujet spécifique rapidement, grâce à un format ultra-condensé – 64 pages en petit format. Une liste de titres de références, disponible en fin d’ouvrage, permet ensuite d’approfondir l’exploration du sujet.
Dans cette collection, Laurent Bazin, enseignant-chercheur à l’Institut des Etudes Culturelles et Internationale, maître de conférences à l’Université Paris-Saclay, et membre statutaire du Centre d’Histoire Culturelle des Sociétés Contemporaines, a déjà publié deux titres : La littérature young adult et La dystopie.
“L’uchronie – Histoire(s) alternative(s)” de Laurent Bazin offre un aperçu détaillé de l’uchronie, depuis ses prémices antiques jusqu’à sa diffusion de masse dans la culture moderne, ainsi que sa codification en tant que genre. Cependant, l’auteur ne se contente pas de retracer l’histoire de l’uchronie, il l’analyse aussi sous l’angle de la méthode scientifique. Laurent Bazin met en lumière l’utilisation de l’uchronie comme une expérience de pensée et un outil de raisonnement contre-factuel. En imaginant des scénarios alternatifs et en modifiant des événements historiques, l’uchronie nous permet d’explorer les conséquences possibles et les implications de tels changements. Ce faisant, elle influence notre compréhension de l’histoire et contribue à la construction de la mémoire collective. L’auteur établit également des liens entre l’uchronie et d’autres disciplines scientifiques comme la physique quantique. L’importance de l’uchronie dans la culture populaire est également soulignée. En tant que genre littéraire, cinématographique et artistique, l’uchronie stimule notre imagination et nous pousse à considérer les alternatives possibles et les conséquences induites par nos choix. En posant la question fondamentale du « Et si ? », elle élargit le champ des possibles et nous invite à réfléchir à notre propre histoire d’une manière nouvelle.
Informatif, précis, synthétique, dense, bien documenté et riche en références, cet essai à vocation panoramique plus qu’exhaustive remplit largement son contrat. Laurent Bazin sait rendre accessible des notions parfois complexes, permettant aux lectrices et lecteurs de s’immerger dans le genre. En définitive “L’uchronie – Histoire(s) alternative(s)” de Laurent Bazin constitue une excellente porte d’entrée vers le genre.
Un extrait vous parlera plus que cette courte recension :
Il est remarquable que trois grands genres romanesques apparus au XIXe siècle soient intrinsèquement liés à ce besoin d’adosser le logique au chronologique : le roman policier remonte dans le passé pour mettre du sens (c’est-à-dire ici une signification) dans ce qui fait mystère ; le roman d’anticipation se projette vers le futur pour donner un sens (à savoir une direction) au devenir historique ; le récit uchronique joue à la fois sur l’avant et l’après en revenant sur le passé pour mieux repartir vers l’avenir, quitte à avoir opéré chemin faisant une distorsion de sens (à la fois signification et direction). Loin d’être un caprice d’esthètes amateurs de tours de force narratifs, l’uchronie sanctionne ainsi un changement d’épistémè, au moment où la foi positiviste est sur le point de céder la place à un désenchantement croissant quant aux vertus de la raison.
Rien d’étonnant alors que le siècle des conflits mondiaux, des génocides et des guerres de décolonisation coïncide avec une montée en puissance de la littérature uchronique : dans une époque plus que jamais livrée aux bouleversements politiques, idéologiques et civilisationnels, les sociétés se mettent à douter du postulat de progrès collectif au nom duquel l’Occident s’est efforcé d’imposer ses modes de penser au reste du monde. Il en résulte deux formes dominantes. La première rejoue le désenchantement sur le mode de la lucidité critique : le projet utopique cède le pas à la vision dystopique et à ses vertus décapantes quant au regard porté par les individus sur les environnements trop uniformes qui les contraignent. Le regard est en ce cas prospectif : si nous continuons comme cela, voici où nous arriverons. L’autre tendance sera de demander à l’imagination de reprendre à zéro les prémisses de l’équation temporelle, en modifiant un paramètre parmi d’autres pour étudier ce qu’il serait alors advenu. Le regard est cette fois rétrospectif, et c’est cette rétroaction uchronique qui fonde un nouveau récit d’événements alternatifs – lequel pourra être positif ou négatif, utopique ou dystopique, selon le regard porté sur les événements en question. L’essentiel réside moins dans l’évocation des perspectives affichées en horizon latent que dans l’étude des causes et conséquences impliquées dans le devenir historique.
A noter que pour un volume si court la bibliographie est relativement complète, je n’y aurais ajouté, à ce stade, que l’ouvrage d’Hellekson. On note aussi l’ouverture aux traditions uchroniques hors France et monde anglo-saxon, ce qui n’est pas non plus si fréquent. Franchement dans format aussi compact et pour un prix si intéressant c’est le meilleur de ce que l’on peut attendre et sans doute atteindre.
Je suis tout à fait d’accord avec toi. J’ai été très agréablement surprise par ce court essai.
(la bibliographie citant un certain Guide de l’uchronie , il ne m’était pas possible de l’encenser sans paraître un peu partiale 😉 )
Merci pour le rappel de cet essai et pour la chronique .
Ça peut intéresser aussi les enseignants.
Tout à fait !
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