Anamnèse de Lady Star – L.L. Kloetzer

Anamnèse de Lady Star

De L.L. Kloetzer

Denoël Lunes d’Encre – 480 pages

Anamnèse de Lady Star pourrait être comparé un puzzle. Pas n’importe quel puzzle cependant. Un puzzle géant dont l’image finale, image imprimée habituellement sur le couvercle de la boite et que le passionné cherche à recréer avec fébrilité, serait celle d’une femme de trois quarts dos, aux contours volontairement flous, au visage masqué par une mèche de cheveux d’une couleur indéfinissable. Ce puzzle serait baptisé Elohim ou Nomen Rosae, Hypasie, Kirsten voire Marguerite.

Le puzzle s’articule autour d’un point central : le Satori, jour où la bombe iconique a explosé, éradiquant une grande partie des êtres humains. Les pièces issues de l’avant (découverte et développement de la bombe iconique par une équipe de scientifique, essais, parcours des terroristes…) s’imbriquent avec celle de l’après (commission d’enquête et procès, conséquences sociétales…) au fur et à mesure des témoignages, récits et enregistrements parcellaires. Par ce biais le lecteur est à même de reconstituer dans les grandes lignes les évènements malgré la distance temporelle. La bombe iconique est très particulière : par le biais de signes et de jeux de lumière elle est capable de provoquer un effondrement de la conscience de l’individu, le conduisant plus ou moins rapidement vers la mort. La contamination se fait par simple contact visuel et la propagation est pandémique. L’effondrement de la conscience s’accomapgne d’une posture du corps particulière, regard blanc, mains en coupe, qui lui a valu d’être baptisé Satori. Notre Elohim, une presque humaine (dont la nature extra-terrestre profonde ne sera finalement qu’esquissée) serait la dernière personne du premier cercle des acteurs ou des témoins de la genèse de la bombe. Sous différentes incarnations, elle l’aurait inspiré, participé à sa création et détiendrait peut-être un savoir dangereux. Elle doit être éradiquée pour que la bombe iconique ne puisse être recréée.

Ici nous avons la première strate du puzzle. Mais si c’était aussi simple, malgré toute l’habileté à mélanger les pièces, le roman ne serait qu’un puzzle un peu plus difficile qu’un autre à réaliser. Avec Anamnèse de Lady Star nous avons un puzzle 3D parce que les thématiques abordées de manière frontale ou tangentes sont nombreuses : cohabitation de deux civilisations (humains et ET), guerre terroriste mondiale, pandémie aux accents « zombies », traumatisme sociétal, devoir de mémoire (le fantôme de la Nuremberg n’est pas loin), mysticisme, pouvoir de la musique, réseaux sociaux et nanotechonologies (j’arrête là car j’en dis trop). Et si cela ne suffisait pas, ce puzzle 3D se révèle doublé d’un casse-tête (un peu comme celui-ci tiens) permanent car les frontières entre réalité et fantasme, entre faits et rêves, entre souvenirs et réécriture du passé, entre la vie et ses avatars virtuels, sont en permanence brouillées. Au lecteur de faire fonctionner ses neurones pour déterminer le possible du probable. Malgré toutes ces difficultés apparentes il ne m’a pas été difficile de lire Anamnèse de Lady Star. D’une part parce que la structure du roman se révèle solidement bâtie et cohérente (les pièces s’emboîtent bien) et parce que je suis toujours aussi subjuguée par la plume des Kloetzer. A chaque chapitre ou presque, un narrateur différent et un style différent, adapté. Loin de perdre le lecteur, le procédé donne des points de repère et permet de passer, en douceur, d’une pièce à l’autre et de l’imbriquer avec celle qui précède ou celle qui l’a précédée 150 pages avant. Et pour couronner le tout, les références abondent. Clin do’eil des auteurs : la méthode Karenberg fait le lien avec Cleer, le précédent roman du couple Kloetzer. A la fin Anamnèse de Lady Star ne se révèle pas totalement et continue à mûrir dans l’esprit du lecteur : habité par le roman, ce dernier cherche encore certaines clés de lecture.

Un mot sur la couverture de Stéphane Perger ? Magnifique (et preuve qu’un camaïeu rose peut-être sublimé).

Un extrait pour terminer
« Elle veut qu’on la cherche, Christian, elle nous raconte une histoire. Pas un de ces scénarios où tout s’arrange, où chaque point répond à une question, non, elle nous raconte une histoire vraie, faite de témoignages contradictoires, de balbutiements, de rêves, faite de ce que nous sommes et de ce que nous aurions aimé être. Et chaque élément que nous découvrirons complétera l’image et la contredira, ouvrira de nouvelles portes, pour que nous continuions à travailler, à avancer dans le labyrinthe, à penser à elle. Elle a besoin de nous, elle à besoin que nous la cherchions à jamais.  »

Cet article a 16 commentaires

  1. endea

    Ouh là malgré le fait que tu dises que tu n’as pas eu de mal à le lire, j’ai la sensation en découvrant ton billet que ce n’est tout de même pas d’un abord facile, bon j’attendrai un moment où je suis bien disponible pour lire celui-ci $$

  2. Lhisbei

    @Endea : je suis entrée assez facilement dedans (je suis dans une bonne période en ce moment – les ponts, les bons moments persos ça aide) mais je reconnais qu’il demande un peu de concentration parfois

  3. Tigger Lilly

    Je ne suis jamais arrivée à finir le puzzle pour ma part. Pourtant j’aime bien ça les puzzles :'(

  4. Vert

    Je crois que tu m’as perdue là xD
    Ca me rappelle que j’ai ma chronique de Cleer à faire d’ailleurs…

  5. Gromovar

    Très bon roman en effet. Le plus impressionnant de cette année ne ce qui me concerne.

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